Dès la naissance du tourisme, le Canigó occupe une place de choix dans les itinéraires internationaux. Durant la Belle Époque, de 1879 à 1914, la classe aisée européenne se retrouve au pied du Canigó avec des intentions touristiques ou scientifiques.
D’innombrables traces témoignent encore de cette époque faste : l’architecture « Art nouveau », les affiches de la compagnie des chemins de fer du midi ou les œuvres littéraires et musicales consacrées à cette montagne. En plus des bienfaits des eaux thermales, le Canigó devient un territoire d’alpinisme à conquérir, ce sont les débuts du « pyrénéisme » avec l’ascension des arêtes du Quazemi en 1908.
Durant cette période, les fondations de l’actuel tourisme de montagne sont posées avec des itinéraires de randonnée, la piste de Balaig et le refuge des Cortalets, inauguré en 1899.
La dynamique touristique est lancée. Les deux guerres mondiales briseront cet élan et de nombreux projets comme celui du train à crémaillère ne verront jamais le jour. L’exploitation des mines de fer, qui a marqué la vie du massif pendant plus de 20 siècles, s’essouffle, confrontée à une rude concurrence. Les terribles inondations de l’Aiguat de 1940 finissent de mettre le massif à terre.
1951-1999: le site classé
Pour son caractère pittoresque, le sommet du Canigó est classé en 1951 au titre de la loi du 2 mai 1930. C’est le pic, sur 443 ha, qui est alors protégé. Néanmoins, le développement touristique s’amorce rapidement sous la houlette du Syndicat Touristique du Canigou (STC), première structure de coopération intercommunale à l’échelle des deux versants du massif, créée en 1966.
L’accroissement exponentiel de la fréquentation touristique et de la pénétration automobile incontrôlée, favorisée par la création dans les années 1970 des pistes carrossables du Llec et du Pla Guillem, conduit à l’élargissement considérable du site classé à 7 789 ha en 1983.
Devant l’émergence d’un projet de station de ski sur le Pla Segalà, les Réserves naturelles nationales de Py et Mantet sont créées en 1984, peu avant celle de Prats-de-Molló-La-Preste en 1986 et la Réserve naturelle régionale de Nyer en 1988. Elles permettent de protéger une superficie totale de 11 544 ha de part et d’autre du Pla Guillem. Dans ce contexte, le STC estime qu’il est nécessaire de définir un nouveau type de développement sur le massif : il devient en 1984 le SIPARC (Syndicat intercommunal pour l’aménagement intercommunal pour l’aménagement rationnel du Canigou).
Néanmoins, cette politique défensive ne parvient pas à endiguer la dégradation du massif : stationnements abusifs des véhicules sur les pelouses d’altitude, accumulation de déchets sur les principaux lieux de fréquentation, dégradation des équilibres écologique et paysager du site, … Dans ce contexte, l’État est sollicité par les élus locaux et les associations environnementales pour réagir : le massif du Canigó est alors inscrit sur la liste ministérielle des Grands Sites, publiée en 1989.
Suite à des travaux catastrophiques pour l’environnement, réalisés sur la piste inter-vallées du Pla Guillem en 1994, l’État prend en main la situation et lance activement la démarche globale d’Opération Grand Site. En plus d’actions de préfiguration engagées dès 1998 sur la fréquentation et la gestion environnementale du site, un projet global est défini puis validé par la Commission supérieure des Sites, Perspectives et paysages en 1999.
« L’affaire » du Pla Guillem
Face à la problématique de divagation des véhicules constatée autour de la piste reliant Vernet-les-Bains à Prats-de-Molló par le Pla Guillem, certains élus du SIPARC décident d’agir de manière autonome. À leur initiative, une tranchée de près d’un kilomètre de long est creusée en juin 1994 au milieu du Pla Guillem avec pour objectif de contenir la divagation des véhicules. Cet acte bouleverse les esprits : la communauté scientifique, l’ONF, une partie des élus du massif et de nombreux habitants dénoncent vivement ce qu’ils considèrent être une catastrophe paysagère et écologique. Le Préfet intervient en fermant définitivement cette piste et l’État accélère la mise en place du dispositif Grand Site en commanditant les premières études. Cet épisode est un des éléments fondateurs du projet de Grand Site de France sur le massif du Canigó.
2000-2012: les Opérations Grand Site
En 2000, ça y est ! Les périodes de lutte par les acteurs locaux depuis les années 1950 ont porté leurs fruits ! Le massif du Canigó entre officiellement dans la démarche Grand Site de France, exigeante, mais garante de sa protection. L’implication des élus et des acteurs du territoire mène en 2012 à la labellisation Grand Site de France par le Ministère de l’Écologie, du développement durable et de l’énergie.
L’objectif fondamental est de favoriser la diffusion des flux touristiques sur l’ensemble du massif, de façon à préserver les espaces naturels les plus sensibles et à engendrer des retombées économiques en piémont et dans les vallées.
Le Syndicat Mixte Canigó Grand Site s’affirme progressivement sur le territoire, impulsant une dynamique de concertation qui permet de finaliser un plan de circulation et de lancer des projets structurants à l’échelle de l’ensemble du massif. Devenu un Grand Site préservé et géré, le Canigó fédère tous les acteurs du territoire dans une approche de développement fondée sur la mobilité douce et la valorisation des patrimoines. Le massif du Canigó est labellisé Grand Site de France par décision ministérielle le 13 juillet 2012. Il devient le 13ème Grand Site à l’échelle nationale.
2013-2017: la première labellisation
Une procédure d’extension du site classé est lancée en 2007, suite au combat mené par les élus et les habitants du massif contre le passage d’une ligne à haute tension. Elle aboutit en 2013 à la protection de 23 212 ha, devenant ainsi le quatrième site classé de France par sa superficie. Sont inclus dans le périmètre le Pla Guillem, l’ensemble des Réserves naturelles, les cinq refuges gardés du massif du Canigó et le site minier de la Pinosa.
Renouvelé en 2018, le projet permet de nouvelles avancées, avec notamment l’organisation du plan de circulation des véhicules sur le massif, mais aussi des projets de valorisation des Balcons. La colonie minière de la Pinosa, haut-lieu du patrimoine et de la mémoire du territoire, a également fait l’objet d’une réhabilitation complète et a été inaugurée en 2023.
L’organisation de la découverte du territoire par les mobilités douces et la poursuite des actions de préservation de la biodiversité et des paysages, notamment par l’animation de 5 sites Natura 2000 permettent de projeter le massif dans les enjeux territoriaux de demain.