Le Grand Site de France

« Seul, à l’extrémité orientale de la chaîne, le Canigó remonte de l’âge obscur des montagnes mythiques. Sa situation face à la Méditerranée, dans l’espace culturel des vieilles civilisations, lui donne un prestige particulier, grandi dans ce berceau du monde où tant de cimes patriarcales, du Sinaï au mont Ararat, de l’Olympe au Parnasse, ont illustré l’histoire de l’humanité ». Si sa situation de montagne littorale en fait la boussole des catalans où l’amer des marins, le Canigó fédère, par-delà les frontières, les habitants de tout un peuple, le peuple catalan, qui le considère comme sa montagne sacrée. Le Canigó n’est pas qu’un pic et un colosse de pierre. Cest en effet tout à la fois, une âme, un peuple, une identité, une mémoire, un massif que les catalans n’hésitent pas à personnaliser, tel un être unique et universel qui agit, rassemble, protège, inspire, enseigne.

Le label Grand Site de France

Le réseau des Grands Sites de France

Le massif du Canigó

Le projet Grand Site de France 2025-2032

La structure de gestion : le Syndicat Mixte

Le Canigó, terre identitaire

« Le Canigó habite un peuple » aux dires de Joseph Ribas. Les Catalans le vénèrent comme un lieu privilégié de leur identité. La chanson traditionnelle Muntanyes regalades, hymne en hommage à ce sommet emblématique, est devenue populaire jusqu’aux contrées les plus reculées de la Catalogne. Elle traduit ainsi le rayonnement de l’esprit de ce lieu dans le tempérament singulier d’un peuple dont la culture remonte à des sources très lointaines. Sur les fondements de la Catalogne, le Canigó est encore l’un des pôles de la catalanité. Moments de communion et de fraternité, la Trobada et la Régénération de la flamme du Canigó, qui illumine les feux de nombreux villages des Pays Catalans la nuit de la Sant Joan, sont des exemples très précis de la dévotion qui entoure encore aujourd’hui cette montagne symbolique.

Le Canigó, terre de spiritualité

Du fait de sa position géographique, le Canigó a de tous temps imposé sa présence gigantesque, plus haute que nature. Il a ainsi convoqué autour de lui les regards et les imaginations les plus audacieux. Savants, chercheurs et poètes ont en effet dressé une « muraille de légendes » populaires, inspirant chez les peuples qui l’environnaient le sentiment du « sacré ». Cela explique le pouvoir symbolique et la fascination que le Canigó exerce encore aujourd’hui. Chaque élément paysager renvoie à une mémoire orale très riche, transmise et réinterprétée de génération en génération. Ainsi, le Puig Barbet serait le lieu où Noé attacha son arche attendant la fin du déluge universel ; le Pic des Set Homes représenterait sept géants changés en rochers pour avoir défié les dieux ; Pierre le Grand aurait trouvé un dragon sortant des eaux de l’Estanyol lors de la première ascension connue du Canigó au XIVe siècle ; la sépulture de Roland se trouverait dans le dolmen de la Caixa de Roland, aux limite d’Arles-sur-Tech et de Montbolo ; les Esquerdes de la Rotjà auraient été formées par les cris de Pyr, prêtresse du feu, lorsque son père la frappait violemment à coups d’épée ; etc. Terre mystique et sacrée, le Canigó est devenu depuis l’époque médiévale un havre de foi. L’importance des abbayes et prieurés qui sillonnent le massif, œuvres majeures de l’art roman catalan, exprime plus particulièrement la puissance spirituelle des lieux.

Le Canigó, terre de liberté

Espace sauvage, difficilement accessible, le massif du Canigó a offert à plusieurs reprises le long de l’Histoire, ses pentes et vallons comme un refuge naturel face à la folie déchaînée des absolutismes et des totalitarismes. La liberté a inspiré les populations du massif, lestes au combat face à la résignation. Ainsi la mémoire est vive des combats des « Angelets de la terra » (Angelots de la terre) contre le despotisme de la monarchie française au XVIIe siècle ; des malheurs des Républicains espagnols fuyant les troupes fascistes du général Franco lors de la Retirada ; ou encore des combats de la Résistance contre l’Allemagne nazie, dont le village martyr de Valmanya et le hameau de la Pinosa en sont les symboles majeurs. Plus récemment, dans le sillage de mai 1968, plusieurs villages du massif en voie de désertification se repeuplent de collectifs libertaires. Réagissant contre la société de consommation et vivant des expériences communautaires, ces villages ont participé à l’évolution des mentalités et constituent à ce jour des lieux symboles de liberté, de sens et d’humanité.

Le Canigó, terre de mémoire

Le Canigó conserve dans ses flancs les joies et les peines des femmes et des hommes qui y vivent depuis des siècles. Mémoire de la terre tel un livre ouvert sur l’histoire géologique du massif. Mémoire des mineurs, exploitant depuis l’Antiquité le minerai de fer et dont les vestiges sont encore innombrables. Mémoire de bergers, qui de leurs mains ont façonné les feixes, construit orris et cortals et gravé des messages sur les pierres. Mémoire des phénomènes climatiques subissant les foudres du climat (aiguat, avalanche, glissement de terrain,…) pour rappeler à l’ordre les excès des hommes (déforestation, pression pastorale,…). Ainsi, parcourir le Canigó, c’est être immergé dans toute cette histoire sous ses différentes facettes.

Pour toutes ces raisons, « le Canigó se respecte. On ne fait pas qu’y passer. On y vient, on y reste, on y revient. Un temps pour certains, une vie pour d’autres, pour ceux qui ne sont pas nés là, mais qui avec le temps, sont devenus « ceux d’ici ». Le massif est une montagne ouverte qui, emprunte des valeurs de respect et de solidarité, a une âme et distille une force inspiratrice hors du commun. Tous les sens sont en éveil sur le Canigó : l’on voit, entend, ressent la montagne, son immensité, ses horizons, le silence, le souffle du vent, le chant des trobadistes, les sonnailles des troupeaux, le braiment des burros (ânes catalans), l’odeur des genêts en fleur… Car le Canigó est sensible, fragile, vulnérable à l’appétit de certains, qui voudraient en pervertir l’âme sur l’hôtel du profit à court terme. Mais le dragon du lac des Estanyols veille, comme veillèrent les maquisards en 1944 devant l’avancée des forces allemandes, les amoureux du massif au lendemain de l’affaire du Pla Guillem (1994) ou encore les élus du Haut Vallespir signataires du Serment de Montferrer (2004) pour s’opposer à la ligne Très Haute Tension.